Si l’animal est une personne : le chien de mon chien…

Les animaux : des personnes ?

Les pages qui précèdent devraient vous en avoir persuadés : les animaux sont des personnes, c’est-à-dire des individualités douées d’une conscience, et capables de choix. Les niveaux de conscience ne sont pas liés à la taille du cerveau : même des organismes pourvus de très petits cerveaux sont capables d’attitudes individuelles et personnalisées. Un tel constat n’est pas le produit d’une imagination débridée, mais celui dicté par l’observation scientifique et rigoureuse de faits objectifs.

Au contraire, le concept de l’animal robot relève, lui, de la croyance, de l’idéologie, une idéologie puissante, au point de tenir pour rien les observations matérielles.

Enfin, retenons qu’il est possible qu’un cerveau plus développé ne donne pas accès à plus, mais à moins de conscience, les capacités plus grandes de ce cerveau lui permettant sans doute de compenser, au moins en partie, les inconvénients de cette conscience moindre.

La personnalité doit être respectée

Une image a fait le tour des consciences : Konrad Lorenz suivi comme par son ombre ou comme s’il était leur mère, par une poignée de palmipèdes enthousiastes, image qui suscite à l’égard du grand homme un vaste consensus de sympathie. Vous le confesserais-je ? J’ai peine à partager cet enthousiasme ! Que des oiseaux en viennent à apprécier notre espèce, pourquoi pas ? Mais que ce soit au point qu’ils apprécient plus les humains que leurs propres congénères, et n’envisagent plus l’accouplement autrement qu’avec les premiers, voilà qui me contrarie, au point que la seule excuse que je puisse trouver à l’éthologue, est, paradoxalement, son inexpérience au moment des faits, et sa méconnaissance du phénomène de l’empreinte et de ses conséquences… Car, à mon avis, « emprunter » un animal de manière à ce point « contre nature » n’est pas autre chose qu’une manière choquante de porter atteinte à sa « personnalité ». Si les animaux sont des machines, ce que n’étaient pas loin de penser les éthologues, quelle importance ? Mais s’il s’agit de personnes, c’est tout autre chose, et leur personnalité doit être respectée.

Personnalité et éducation

Mais comment concilier, sans trop d’erreurs, personnalité et éducation ? Nous avons noté que certains apprentissages primaires et secondaires participent pleinement à l’accomplissement, l’affinement d’une personnalité. D’une certaine façon, « l’éducation » aussi. Mais à partir de quel moment l’éducation vient-elle « brimer » et non plus « développer » l’expression d’une personnalité ? C’est bien la question que ne cesse de se poser tout éducateur, question déjà posée par le « professeur » de Berthold Brecht. Une question parfois terriblement difficile : pensons à tant de parents confrontés à un choix d’un enfant, choix qu’ils jugent (voir qu’ils savent) mauvais pour lui. Le bon sens dicterait que l’équilibre tend à s’établir naturellement : l’éducation se brise quand elle rencontre la personnalité. Mais l’expérience, notamment en ce qui concerne les animaux, m’a montré que le bon sens se trompe. Les personnalités les plus fines, et donc, à leur façon, les plus intéressantes, ne savent pas résister à ce qui les agresse, le plus souvent, elles se ferment, se figent, et peuvent même, plus facilement qu’on ne le croirait, s’y trouver brisées. Seuls des chevaux très « fins », très sensibles, sont susceptibles de devenir des sujets de haute école. Avec de tels sujets, l’intervention même d’un seul instant, d’un cavalier un peu brutal, ou même seulement peu sensible, peut suffire à ruiner, parfois de manière définitive, des semaines, voire des mois de travail. Mieux, un mauvais cavalier n’est parfois même pas nécessaire, un simple palefrenier indélicat peut suffire. Il en est de même de la plupart des chiens de type lupoïde. C’en est au point que tant d’humains ignoreront toujours tout de la finesse et de la sensibilité de certains bergers belges, ou autres caniches, qu’ils auront tôt fait d’étiqueter maladivement nerveux, instables, ou stupides. Avec eux, la patience et l’habileté peuvent tout obtenir, mais la maladresse peut tout détruire en un instant. La réalité est qu’il est peut-être impossible de transformer une personnalité, le mieux que l’on puisse obtenir est de la briser. Les camps de rééducation, sorte d’aboutissement final des principes de conditionnement psychologique, communs à tous les totalitarismes, n’ont jamais produit un seul bon communiste, mais seulement des millions de morts, et de personnalités anéanties. Il est plus facile d’écraser une personnalité que de l’aider à s’épanouir. Le respect de la personnalité animale est un bel objectif, mais nous n’aurons garde de minimiser les difficultés à l’atteindre.

Pour une réhabilitation de l’anthropomorphisme

Les comportementalistes, on s’en souvient, ne désignaient jamais les animaux qu’ils observaient par des noms, mais par des numéros, tant ils estimaient nécessaire de garder avec leur sujet d’observation la plus grande distanciation possible. Après eux, les éthologistes, au moins sur ce plan, n’ont guère agi autrement.

Jane Goodall a eu beaucoup de peine à s’imposer dans un premier temps dans les milieux scientifiques. On ne lui reprochait pas seulement d’être une femme, on regrettait que sa première formation n’ait pas été précisément scientifique ; le piquant de l’affaire est que c’est précisément pour cette raison qu’elle avait été choisie par son directeur de recherche, mais ceci est une autre histoire, qui ne doit pas nous distraire d’en venir à notre but, le reproche principal, le grand reproche porté par l’unanimité de la communauté scientifique : figurez-vous ! Elle nommait ses chimpanzés par… des noms ! Tout à fait impensable et inadmissible !

Pourtant, Jane Goodall s’est obstinée. Ce n’est pas qu’elle fût particulièrement déterminée à provoquer. La provocation est d’ailleurs le contraire de sa nature. Encore moins pour quelque raison sentimentale. Il est donc intéressant de comprendre cette obstination : Jane Goodall donnait des noms à ses chimpanzés parce que précisément elle eût considéré comme une démarche non scientifique d’agir d’une autre manière. Ces longues observations de terrain lui avaient apporté la preuve que les singes n’agissaient pas de manière automatique ou stéréotypée, mais qu’au contraire les comportements observés étaient toujours le reflet de la personnalité de leur auteur : si les comportements sont spécifiques, il eût été en effet non scientifique de les rapporter à des numéros.

L’anthropomorphisme n’est donc pas une erreur, mais une nécessité, et notamment pour comprendre les émotions des animaux. Les neurones miroirs sont la preuve neurobiologique que les émotions que nous ressentons quand nous voyons agir les animaux ne sont pas le produit de notre imagination, mais une approche de la réalité de ce qu’ils ressentent en effet.

D’ailleurs, notre choix est fait : si nous devons hésiter entre trop et trop peu d’anthropomorphisme, c’est le trop que nous préférons, car ce choix au moins ne peut pas nuire.

Les animaux peuvent être, doivent être pour nous une leçon de nature, ils ont beaucoup à nous apprendre. Par exemple, nous avons découvert que l’animal a le sens de la mort. Il est tout à fait possible que les animaux vivent beaucoup moins que nous dans l’illusion d’une vie éternelle, qu’ils aient plus que nous le sens de leur éphémère, et c’est peut-être la leçon la plus importante qu’ils puissent nous donner.

L’autre leçon est que les animaux nous comprennent certainement beaucoup mieux que nous ne les comprenons, et cela vaut plus encore pour nos animaux familiers, et tout particulièrement pour le plus familier d’entre eux, le chien. Voilà sans doute ce qui explique pourquoi cet animal fait preuve si souvent à notre égard de tant de patience… sa conscience lui permet de deviner comme il nous est difficile de bien nous adapter à lui et il en prend son parti, comme une grande personne le fait à l’égard d’un petit enfant : voilà pourquoi nous serons toujours un peu le chien de notre chien

(Extrait du cours éducateur canin comportementaliste – AUDRECO)

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