Le Chant du brasier, chapitre 2

Faux départ

Loup-fauve ouvre la marche. La louve brune à ses côtés. Tous les suivent de confiance. Les deux-pieds sont fatigués. Le plus fatigué de tous est Nam. Épuisé par sa course victorieuse de la veille. Ce dernier ne pourra poursuivre très longtemps son effort. Quoique le deux-pieds ne dise rien, et garde les dents serrées, le loup sait. Les autres deux-pieds devinent peut-être, mais ils ne savent pas. Les deux-pieds ne peuvent savoir que ce qu’ils éprouvent. Mais les loups savent au-delà de ce qu’ils éprouvent. L’épuisement de Nam, le loup le ressent comme s’il était dans le corps de Nam.

Et dans le corps des autres. Celui d’Arua juste derrière lui ; et la Voix qui va si brave, comme elle va toujours. La Voix que les deux-pieds appellent Sauvagine. Puis les autres Donzes, qui sont venus combattre. Les blessés sont à la peine ; mais ils suivent.

Et derrière eux tous, Xha. Plus encore que Nam, Xha inquiète Loup-fauve. Loup-fauve ne le sait que trop, ce n’est qu’en apparence que Xha court avec eux. Son cœur est resté dans la cité. Auprès de Deng, son père, prisonnier de leurs pires ennemis. Deng, le loup le sait, le nom que donnent les deux-pieds à son ami Tenace. Lourd est cœur de Xha, ses jambes l’éloignent de Deng, comme malgré lui. Tôt ou tard, Loup-fauve le sait, les jambes de Xha obéiront à son cœur. Les autres deux-pieds ne pourront pas le retenir.

Malgré lui, et malgré la course, un grondement sourd s’échappe de la poitrine de l’animal. Ce dernier voudrait s’asseoir et pousser vers le ciel le long cri des loups qui sentent passer la mort. Deng, le père de la Voix, de Xha, et d’Arua, et frère cadet de Nam, Deng retenu prisonnier dans la cité maudite, a-t-il déjà rejoint le pays des ombres ? Le loup ne le sait pas avec certitude, mais ce dont il ne doute pas, c’est que son ami est désormais engagé sur le chemin qui n’a pas de retour.

Et Xha ne doit pas rebrousser chemin : les deux-pieds sont à peu près sourds, et ils n’ont pas d’odorat. Aucun d’eux ne sait qu’on marche sur leurs traces, depuis de longs instants déjà. Qui ? À de multiples détails, le loup ne nourrit aucun doute à ce sujet. C’est une troupe de la cité qu’ils fuient. Il ne peut donc s’agir que d’ennemis. Cette troupe ne les rattrape pas, elle va même un peu moins vite qu’eux ; et bientôt, la nuit va la contraindre à s’arrêter : les deux-pieds sont incapables de suivre une trace dans l’obscurité. Voilà pourquoi les poursuivants n’inquiètent pas le loup ; ils ne l’inquiètent pas aussi longtemps que Xha résiste à sa tentation de faire demi-tour.

Si Xha revient sur ses pas, Loup-fauve l’accompagnera. Ils surprendront l’ennemi. L’homme, de sa branche de mort et le loup de sa gueule, ils tueront encore quelques-uns d’entre eux. Le plus qu’ils pourront. Et puis, ils seront submergés. Mais ils se seront battus. L’idée du combat hérisse le poil de l’animal, et le sang deux-pieds, qu’il a tant goûté dans la journée, lui enflamme la gorge. Si c’est mourir que veut Xha, sans un soupçon d’hésitation, Loup-fauve ira mourir avec lui. Mais est-ce vraiment cela que veut Xha ? Non, Xha est prêt pour la mort, mais ce n’est pas elle qu’il veut retourner chercher, et ce que Xha veut faire, le loup le sait, mais il en mesure toute l’impossibilité.

Voilà qu’on arrive à une partie de terrain qui s’élève rapidement. Sur la gauche, un défilé entre deux falaises assez hautes, trop escarpées pour être escaladées tant par un loup que par un deux-pieds. Résolu, le loup évite le défilé, qu’il sait pourtant être un raccourci, et choisit de contourner par la droite. Sans hésiter, Arua suit, puis tous les autres après lui.

Tous les autres ? Non : quand il parvient à son tour au niveau du défilé, Xha fait ce que craignait Loup-fauve : un cri bref, à peine audible, mais qui suffit à stopper la petite troupe. Résolument, il indique le défilé au loup. Mais celui-ci refuse de s’y engager. C’est qu’il n’a pas seulement détecté qu’on les suit, il sait aussi qu’une autre meute de deux-pieds se dirige aussi vers eux, précisément par ce défilé ! Quand le groupe s’en rendra enfin compte, il se trouvera pris au piège, avec des ennemis devant et derrière lui, et sans échappatoire ! Mais Xha est déterminé ; après avoir murmuré quelques explications aux autres membres de la troupe, il s’engage résolument. Presque au désespoir, Loup-fauve lui emboîte le pas.

Le deux-pieds lui murmure quelques paroles d’apaisement. Et soudain, le loup comprend : le deux-pieds a deviné lui aussi les présences ennemies. Mais il sait comment les éviter. Un petit plateau que l’on atteint par un raidillon un peu plus loin en avant, à l’accès caché par les branches, totalement invisible à quelque deux-pieds ou quelque animal que ce soit. Mais Xha sait. Bien qu’il soit épuisé, Nam atteindra le plateau, avec tous les autres. Ils pourront prendre le repos qu’ils voudront, et refaire les forces de Nam. Certes, ils ne seront guère éloignés de la cité maudite, mais le lieu est sûr. Sur le plateau, on a construit un petit repaire de pierres, dans lequel on peut entrer par un passage bas et étroit, et où régulièrement de jeunes femelles deux-pieds venues de la cité ennemie viennent déposer de la nourriture, des fruits et de la viande. Des vivres dont ils se sont plusieurs fois nourris, lors de courses précédentes. Les ennemis qui les poursuivent, et ceux qui marchent vers eux connaissent-ils ce refuge ? Cela même ne porterait pas à conséquence, car pour la petite troupe armée des branches de mort, l’accès serait facile à défendre, et le loup et le deux-pieds connaissent un autre sentier secret qui leur permettra de prendre la fuite. Sous l’apparence de la folie, le projet du deux-pieds est celui de la sagesse.

Bientôt, on est au passage. Il était temps ! Les intrus sur l’avant sont maintenant très proches. Sûr de lui, Xha écarte les branches, et déjà il s’élance. Le chemin est raide, mais l’enthousiasme de Xha gagne tous les autres. Arua, qui maintenant ferme la marche, replace les arbustes derrière lui, effaçant leurs traces.

Bientôt, ils sont au plateau. Ce dernier est entièrement envahi d’une futaie épaisse, à l’exception d’une clairière, juste au débouché du chemin secret ; à l’extrémité de la clairière, et presque dissimulée par le taillis, la petite construction de pierre. Xha découvre les réserves de vivres : elles sont abondantes ; il montre à ses compagnons un trou devant la construction, et le moyen d’y prendre une eau dont le loup connaît le goût. On s’assied en cercle à l’entrée de la construction. On boit l’eau tirée du puits, que l’on a versée dans une pierre creuse, qui circule de mains en mains, puis que la Voix pose devant le loup. On partage la nourriture. Xha prononce quelques mots. Le loup ne comprend pas les mots, mais il sait ce que dit son ami. Maintenant que la nuit est tombée, ce dernier va redescendre le sentier, et reprendre le chemin de la cité ennemie. La lune est levée, elle est brillante. Mais Xha restera dans l’ombre.

La Voix parle à son tour. Elle est mécontente. Xha veut sauver Deng. Mais Deng est beaucoup trop épuisé pour être emmené où que ce soit. À ce moment, il a sans doute déjà quitté le monde des vivants. Qu’on parte à sa recherche, voilà qui l’aurait rendu furieux ! Ce qu’il voulait, ce qu’il a construit, c’est qu’ils puissent tous s’enfuir, aucun vivant n’a le droit de bafouer un sacrifice.

Mais Xha n’est pas d’accord. Si Deng est encore vivant, il ne doit pas mourir entouré de ses ennemis. Et s’il est mort, il faut qu’il lui soit rendu les honneurs dus aux morts. Deng, l’homme libre, c’est cela qu’il leur a enseigné, la liberté. Un homme qui ne peut honorer ou venger ses morts est-il encore un homme libre ?

Honorer ses morts ! Est-ce que Xha a déjà oublié Deng ? Ne se souvient-il pas du peu de cas que faisait ce dernier des rites sacrés et des croyances des prêtres et sorciers ! Oui, où qu’il soit désormais, rien ne soucie moins Deng que le sort de sa dépouille.

Ce que dit la Voix : paroles de vérité ; Deng se moquerait bien qu’on ne lui rende pas le culte dû aux morts ; mais pas ses ennemis, les Xorch’s ; les Xorch’s honorent leurs morts et méprisent leurs ennemis ; la dépouille de Deng, ils la laisseront pourrir à la pluie, dévorée par rats et vautours ; et ce sera pour eux une manière de se venger de lui ; ce n’est pas pour Deng que Xha veut rendre le culte dû à son père ; c’est pour les Xorch’s !

Tous savent que la Voix dit la sagesse. Mais Xha n’écoute pas. Deng n’écoutait personne. Xha écoutait Deng. Mais Deng ne parle plus, et Xha n’écoute plus personne et agit comme agissait Deng ; encore plus implacable que ce dernier, s’il est possible.

La louve brune n’a ni mangé, ni bu ; malgré son affection pour Loup-fauve, elle reste un animal farouche et sauvage, et refuse trop de promiscuité avec les deux-pieds. Elle les a suivis, mais sans entrer sur le plateau ; son instinct lui fait craindre un piège ; prête à s’enfuir, elle s’est couchée au bord de la falaise, le nez vers le sentier.

Mais comment Xha peut-il espérer entrer vivant dans la cité ? Après les combats de ce jour, et les formidables pertes qu’ils viennent de subir, les Xorch’s sont sur le qui-vive ; les portes infranchissables, et des patrouilles partout. Xha se glissera dans la cité ; quelqu’un va venir, ici, sur le plateau, et celui-là l’y aidera. Un allié ? Non, un ennemi ; le plus implacable de leurs ennemis ; mais un ennemi qui ne sera pas en situation de pouvoir rien refuser. Xha le sait, il suffit d’attendre.

Loup-fauve s’est arrangé de la méfiance de la louve ; il sait qu’on les poursuit ; mais il ne sait pas si les poursuivants s’engageront sur le sentier, et s’ils le font, quand ils le feront. À la place qu’elle occupe, la louve brune ne sera pas surprise.

Et précisément, maintenant, la louve s’agite. En un instant, Loup-fauve et Xha sont aplatis à ses côtés. Aucun doute, on grimpe le sentier ; un seul être ; lourdement, laborieusement ; mais on grimpe ; la nuit est tombée, mais la lune éclaire d’une lumière qui suffirait à un guerrier pour progresser sans bruit, même sans connaître le chemin. Ce n’est pas un guerrier qui vient, mais une femelle deux-pieds. Loup-fauve éprouve le sourire de Xha au-delà de la nuit. Xha n’est qu’un deux-pieds, mais parfois il sait, comme savent les loups. Il connaît le nom de la deux-pieds qui s’acharne sur le sentier, et il sait, comme le loup, qui elle espère rejoindre. Les loups savent. Parfois, Deng savait ; parfois, Xha, lui aussi, sait. 

Rapidement, on rejoint les autres, la louve, cette fois, avec eux. Xha murmure brièvement ; tous comprennent ; en un instant, loups et deux-pieds, ils se font avaler pas la futaie ; invisibles, et plus silencieux que les herbes. 

Ils n’attendent pas longtemps : bientôt la silhouette de la deux-pieds, à l’entrée du plateau ; elle hésite ; elle observe ; puis elle découvre la construction de pierre ; comme si elle avait été prévenue de l’existence de cette construction, déterminée, elle s’y rend aussitôt, et bientôt y pénètre.

Allongé à côté de Xha, Arua, blême, veut se dresser, la branche de mort en avant ; il a cru reconnaître l’intruse ; mais Xha, fermement, le retient par le bras ; un signe vers le sentier : un autre deux-pieds y grimpe à son tour ; la femelle attend quelqu’un.

Qu’il connaisse mieux le chemin, ou qu’il soit plus habile, le nouveau venu va rapidement, presque sans bruit. Comme la deux-pieds tantôt, il apparaît, dessiné par la lune, à l’extrémité de la clairière ; aucun doute possible, tous dans la futaie l’ont reconnu, il s’agit de Xiri, le plus jeune frère de l’empereur Xorch’s, l’ennemi de toujours de Deng.

Loup-fauve sent la rage en Arua ; à ce dernier, la vérité apparaît, sans doute possible ; Varna, la fourbe Varna, celle qu’il aimait et dont il voulait faire son épouse ! Dont les avis étouffaient dans l’âme d’Arua ceux de son propre père ; Varna, mordue par l’ambition, complice secrète de Xiri, et sans doute aussi sa maîtresse ! Varna, qui sans cesse plaidait pour une reddition honteuse de leur tribu aux ennemis xorch’s ! Varna qui a su diviser la tribu, entraînant à sa suite tant de jeunes guerriers mâles, dont les forces et le sang vont tellement faire défaut à ceux qui sont restés ! Deng savait-il ? Oui, Deng savait, c’est l’évidence. Pourquoi n’a-t-il rien dit ? La honte monte au front du deux-pieds ; Deng n’a rien dit, parce qu’il savait qu’Arua ne l’entendrait pas ; et Xha ? Que sait-il ? Xha est comme Deng, et comme plusieurs femelles donzes ; il voit les images ; beaucoup moins que les loups, mais plus que les autres deux-pieds ; les images ; certaines pour le présent ou le passé ; d’autres pour le futur ; d’autres encore pour le néant. Les images de la Grande Conscience, qui porte tout ce qui vit. Aucun doute à présent pour Arua, Xha, comme leur père, savait aussi. La honte et la rage se disputent l’âme blessée d’Arua.

Xiri est au milieu de la clairière ; à la main une branche courte, dont le loup connaît la dureté et le tranchant ; il hume l’air, comme un animal aux aguets ; mais le deux-pieds n’a pas de flair, il ne devine aucune des présences cachées dans la futaie.

Arua veut s’élancer, mais d’un bras de fer, Xha le retient. Il est trop tôt pour agir, le guerrier va poser son arme ! Arua ne veut pas affronter le guerrier désarmé, il veut le farouche combat. Mais Xha ne veut aucun combat, il a d’autres projets, Arua doit attendre. Arua a la fureur, mais il ne peut rien contre la froide détermination de Xha.

Xiri siffle doucement. Un mouvement d’ombre à l’entrée de la construction de pierre. Varna. Elle hésite. Malgré la lune, les yeux de la deux-pieds ne lui garantissent pas l’identité du siffleur. Les yeux de Xiri ne sont pas meilleurs ; mais lui sait qu’un seul être peut se cacher de la construction, un être qui n’a fait que suivre ses instructions. Il hèle doucement. Bientôt les deux complices sont enlacés. Ayant roulé sur le sol, ils s’étreignent. Le désir rend presque fou le deux-pieds. Le corps tendre de la femelle se colle au sien. Oubliées les fureurs du jour, les déceptions et l’échec, et tant d’incertitudes ; en ce lieu magique et secret, personne à craindre…

Xiri jette son arme auprès de lui ; aussitôt, vif comme la pensée, Xha est sur lui, sa branche de mort à la main. Rapidement, les autres les rejoignent. Sidérés, cernés, déroutés, les deux ne peuvent rien tenter. Ils croyaient plonger dans la volupté, les voilà prisonniers.

Voyant qu’on ne les tue pas, l’orgueilleux Xiri retrouve un peu d’arrogance. Ses guerriers l’attendent en bas du sentier. Ils sont nombreux et bien armés. Ils vont bientôt s’inquiéter du silence de leur chef.

Xiri parle en langue xorch’s, les Donzes ne comprennent pas. Alors il s’agite, il fait des gestes, il s’apprête à crier. Mais aussitôt, Xha le plaque sur le sol, la pointe de sa branche contre la gorge du vaincu.

Maintenant Xha s’adresse à Varna ; son ton est froid, comme la mort. Il demande à cette dernière si elle parle les mots xorch’s. Elle commence par nier. Elle ne sert à rien, dit Xha à Arua, tu peux la tuer. Varna dit qu’elle parle un peu. Xha  lui dit de répéter à Xiri. Xha se joindra à l’escorte de Xiri, et avec elle, il s’introduira dans la cité. S’il refuse, Arua peut se venger de Varna et tuer cette dernière à l’instant. S’il accepte, Xiri et Xha se rendent tout de suite à la cité ; ils emmèneront les hommes des escortes de Varna et de Xiri, qui attendent en bas, à l’entrée du sentier ; pourquoi les compagnons de Varna accepteraient-ils de suivre Xiri ? Ils connaissent ce dernier, ils lui feront confiance, ils ne poseront pas de questions. Des Donzes fatigués de la vie libre des Donzes, des Donzes qui ont choisi, comme Varna, de devenir esclaves des Xorch’s. Comment Xha sait-il pour les escortes ? Loup-fauve et la louve savent, mais Xha, comment sait-il ? La Voix et les autres donzes assureront la garde de Varna ; si Xha est revenu avant le mitan du prochain jour, Varna sera libre de conduire ses pas où bon lui semblera ; si Xha n’est pas revenu, ou si le plateau est attaqué, qu’on égorge l’amie des Xorch’s, qui a trahi les Donzes.

Varna traduit. Xiri demande pourquoi il doit croire que les Donzes respecteront leur engagement à propos de Varna. Xha a parlé ; ce que croit ou ne croit pas Xiri, Xha  s’en moque. Xiri fait un geste, résigné : il accepte le marché de Xha.

À ce moment, Xha veut savoir ce qu’il est advenu de Deng, dans la cité Xorh’s. Varna traduit en langue xorch’s. D’abord, Xiri dit qu’il ne sait pas. Xha sourit dans la nuit, et malgré l’obscurité, chacun le devine, Xha sourit un sourire d’une impitoyable cruauté. Impassible, sans hâte, il s’est saisi de sa branche de mort. Pour Varna ? Pour Xiri ? Celui-ci, vaincu, n’attend pas de le savoir. Il dit qu’il va dire.

À l’issue du massacre de la veille, l’empereur Malbu s’est trouvé extrêmement fâché contre le prisonnier de Xiri. Bien que rien ne soit complètement éclairci, et comme l’avait deviné Xiri, l’Empereur a été trompé, et avec lui tous les Xorch’s ! Le prisonnier a lancé le défi à la cité et voulu que son frère coure la course des trois pyramides. Les Xorch’s ont loyalement accepté le défi. Tous les guerriers de Xiri, tous, ont courageusement relevé le défi, et tous ils se sont engagés dans la course. Qu’un seul d’entre eux parvienne à tuer le coureur du défi avant que celui n’atteigne la troisième pyramide, et tous les poursuivants sont honorés. Mais si par malheur le coureur parvient vivant à la troisième pyramide, tous ses poursuivants doivent être massacrés. Les Xorch’s ont été loyaux, mais les Donzes ont trompé les Xorch’s. Le Donze paraissait épuisé et incapable de courir, mais c’était un piège. Par quelque sorcellerie primitive, les Donzes ont trouvé le moyen de paralyser les jambes des coureurs xorch’s et le Donze a rejoint sans encombre la troisième pyramide, délivrant par traîtrise sa nièce, l’otage du défi, qui a pris la fuite avec lui. À ce moment, et alors que les forces Xorch’s se trouvaient dispersées dans la plaine, des ennemis ont surgi de toute part, accompagnés d’inhumains et même de loups, plus nombreux que des rats, tous répondant certainement à l’appel du maudit prisonnier ; alors a commencé le lâche massacre des valeureux guerriers Xorch’s ! Piège, traîtrise et sortilèges, nul doute que le prisonnier ait sa part dans ce terrible désastre ! L’Empereur, soutenu par les cris du peuple en colère, était à ce point furieux qu’il aurait sacrifié le prisonnier, à l’instant même, de ses propres mains, si le Grand-prêtre ne s’y était fermement opposé : le jour était trop avancé, les dieux, déjà entrés dans le royaume de la nuit et des morts, n’auraient pas eu le loisir de goûter le sang du sacrifice.

Il a alors été décidé que le prisonnier serait sacrifié au plein soleil du jour prochain.

Telles sont les paroles de Xiri, traduites par Varna. Où est gardé le prisonnier, a voulu savoir Xha. Dans la fosse des condamnés ; un prêtre veille sur lui. Et dans la cour devant la fosse, la propre garde d’élite de l’Empereur. Les survivants des troupes de Xiri s’étaient portés volontaires pour cette mission, mais on leur a préféré la garde d’élite, qui seule n’avait pas été engagée dans les combats du jour.

Xha ordonne à Varna de retourner dans la construction. Avec l’aide des autres, il pousse une porte, contre laquelle ils plaquent une pierre. Il est désormais impossible à la prisonnière de s’enfuir.

Puis Xha entraîne le loup, la Voix, Arua et Nam, un peu à l’écart ; Xiri, qu’on a laissé se redresser, reste sous la garde des autres donzes, qui font autour de lui un cercle menaçant.

Quand ils sont assez éloignés pour pouvoir échanger sans être entendus de Xiri, Xha parle : Xiri n’essayera rien pour sauver Varna, et dès qu’il le pourra, il voudra le tuer. Mais il ne tentera rien tant qu’ils ne seront pas dans la cité. Il laissera Xha se fondre parmi les autres. Chacune des escortes croira qu’il est un membre de l’autre. Xiri ne dira rien, car il lui faudrait expliquer qu’il n’était pas isolé sur le plateau. Seuls les princes xorch’s initiés et les vierges isiatiles peuvent rejoindre le sanctuaire. Varna dans le sanctuaire est un sacrilège : aucun Xorch’s ne pourrait comprendre.

Mais Xha trompera Xiri : la porte franchie, il disparaîtra dans la cité, où il compte des amis. De nombreux amis, qui tous, comme lui, comme eux tous, haïssent la dictature xorch’s, dévoreuse de libertés. Ils feront sortir Deng de sa prison, et ils le conduiront jusqu’à un jardin, dévolu aux seules prêtresses de la cité, où personne donc ne vient la nuit. Le jardin est adossé à la muraille de la cité, dont une pierre au fond de ce jardin peut être un peu déplacée par une légère poussée à un endroit précis, ménageant un passage secret pour entrer et quitter secrètement la cité, un passage que Xha a déjà emprunté de nombreuses fois, et seulement connu de trois ou quatre initiés. Les amis de Xha ne voudront pas aller plus loin, Xha devra continuer seul. En face de la porte secrète, un petit bosquet. Qu’Arua et trois autres Donzes s’y tiennent cachés, à partir du milieu de la nuit, équipés de ce qu’il faudra pour porter le malade. Mais comment trouver le bosquet ? Ils suivront Loup-fauve. Ils doivent seulement aller sans bruit, contournant la cité, pour ne pas être repérés par les gardes et les patrouilles. Les patrouilles, Loup-fauve les évitera, et il les guidera jusqu’au bosquet. Loup-fauve sait, il a déjà souvent attendu, caché à cet endroit.

Xha ne parle pas à Loup-fauve. Mais il pense avec lui. Loup-fauve ne doit pas se mettre en route tout de suite. Il doit laisser s’éloigner Xiri et les deux escortes. Et il faudra prendre garde. Xiri n’est jamais sûr ; à ce denier pourrait venir l’idée de garder quelques-uns de ses guerriers postés derrière lui.

Sans être vu de Xiri, Xha entraîne la Voix ; il lui montre le passage par où elle pourrait s’enfuir, si le plateau se trouvait attaqué. La Voix serre les mains de Xha. Si ce dernier retourne dans la cité, elle veut l’accompagner. Xha hausse les épaules. Que pourrait la Voix dans la cité ? Elle n’y connaît personne, elle n’en connaît pas les mots ! Les mots, Xha les connaît-il, lui ? Xha ne répond pas. Si Xha connaît les mots, pourquoi a-t-il demandé à Varna de parler ? Xha garde ses mystères.

Alors Xha fait signe à Xiri ; les deux-pieds prennent le sentier, Xiri en premier ; à ce dernier, on a rendu son arme ; mais Xha n’a pas besoin de parler ; la branche de mort au-dessus de la tête de Xiri, et l’incroyable aisance du jeune guerrier sur le sentier ne laissent aucune illusion à Xiri ; tant qu’ils seront à descendre le sentier, mieux vaut pour lui ne rien essayer. Mais peu importe : sitôt franchies les portes de la cité, le sort du jeune insolent se trouvera scellé…

Malgré le clair-obscur de la lune, le sentier est rude à descendre ; souvent le deux-pieds s’écorche mains et genoux, encore pressé par la menace au-dessus de lui ; la rudesse du moment lui rend plus douloureuse encore la frustration de la chair tendre et chaude, à peine éprouvée ; sitôt le plaisir pris, il aurait certes fallu sacrifier la Donze sacrilège, les compagnons de Xiri n’eussent pu comprendre aucun autre dénouement. Ses pensées ont-elles ralenti le cours de la descente ? Xiri sent sur son épaule la menace de la branche ennemie ; les dents serrées par la haine, le deux-pieds se concentre sur son effort. 

A suivre...

 

 

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