Les premiers chiens ont-ils été des bébés loups adoptés ?

Mais voilà que par delà l’écran de mon ordinateur, je vous entends me dire : « l’espèce humaine n’est pas seulement motivée par l’intérêt, il y a aussi les sentiments, l’affectif… ».
Et vous avez raison. Que Tonton ou Papi Cro-Magnon aient eu toutes les tentations que nous puissions imaginer, à l’exception de celle de tenter l’apprivoisement de loups sauvages, c’est acquis, mais un cas particulier a pu se produire et s’est même certainement produit.
Tonton part à la chasse, et au cours de sa quête, il découvre… une nichée de bébés loups, dont les parents sont absents : en chasse, comme Tonton, mais ailleurs, ou morts, peut-être même trucidés par Tonton lui-même, ou n’importe qui d’autre, mais absents !
Ne nous faisons pas trop d’illusions, pour Tonton, cette nichée, c’est d’abord de la viande, sinon bon marché, du moins facile d’accès, et la probabilité qu’il se soit empressé d’une liquidation collective est hautement vraisemblable ! Mais enfin, qui sait ? On peut tout à fait concevoir que Tonton ait eu au campement une copine, dont il ait envisagé de se ménager les faveurs en manière de distraction pour telles longues soirées d’hiver. Lui ramener de la viande eut été une démarche tout à fait pertinente, mais l’idée d’offrir ladite viande « vivante » pouvait ajouter le sel nécessaire à la tentative séductrice : à la copine de choisir ce qui lui plairait le plus, le louveteau vivant pour jouer à nounours, ou le louveteau plumé, en cocotte ou au barbecue.
Mais voilà que la copine, séduite par cette petite « boule de poils » (pourquoi pas ? Douze mille ans plus tard, cela ne se produit-il pas… tous les jours ?) s’en entiche et l’élève… Pas trop de romantisme, tout de même, puisque de toutes façons, à cette époque, il n’est pas encore inventé. Si la copine garde le louveteau, et si celui-ci survit, c’est… qu’il est nourri… au lait de la copine (on sait aujourd’hui que nos ancêtres Cro-magnon pratiquaient déjà certaines formes de commerce, mais ne cherchez pas, point de « lait pour chiots » aux rayons des « magasins Cro ») ! L’hypothèse la moins désagréable pour nos consciences modernes étant que le louveteau ait pris la place d’un bébé mort-né, ce qui était, on le sait, le sort de plus de la moitié des bébés à cette époque, mais n’anticipons pas. Supposons (ce n’est pas impossible) que le louveteau ait survécu à cette alimentation : pas de doute, il se comportera dans un premier temps comme si sa mère nourricière était sa mère naturelle, et pour notre arrière grand tante ravie, c’est la découverte « historique » (même si elle ne le sait pas) de… l’animal de compagnie… et des charmes et autres émerveillements de cette compagnie !
Or sachez-le, cet émerveillement sera de courte durée ! D’autres, après Tatie Cro-magnon, y compris parmi nos contemporaines, ont tenté l’expérience, remplaçant le sein maternel par des biberons, c’est vrai, mais voilà qui ne change rien à l’affaire : tôt ou tard, et généralement plus tôt que tard, la nature sauvage reprend sa vérité, le petit « chien » redevient le petit loup qu’il n’a jamais cessé d’être, il craint, il fuit, d’abord tous les représentants de l’espèce humaine, y compris ceux qui l’avaient nourri et auxquels il aura manifesté d’abord une débordante affection ! Toutes, je dis bien toutes les expériences de ce genre se finissent de la même façon : aujourd’hui, au zoo, à l’époque qui nous occupe, par un retour – fuite à la nature ou par une fin plus expéditive (devinez !), suite logique donnée à des comportements agressifs jugés dangereux par les membres de la tribu de Tatie.
(Extrait du cours éducateur canin comportementaliste – AUDRECO)
